6 Novembre 2019
Flash Droit Social (États-Unis)
TENDANCE: VAGUE DE LOIS SOCIALES NOUVELLES AUX ÉTATS-UNIS
Si vous avez une filiale aux États-Unis, votre talon d’Achille n’est peut-être pas là ou vous l’imaginez.
Beaucoup d’entrepreneurs étrangers qui distribuent leurs produits aux États-Unis se contentent de gérer les risques liés à la responsabilité des produits défectueux. Certes, ces risques existent et doivent être gérés. Ils peuvent notamment être minimisés grâce à un contrôle qualité rigoureux, des couvertures en assurance appropriées et des contrats bien négociés. Mais si vous créez une filiale et avez des salariés aux États-Unis, il est plus probable que vous soyez poursuivi en justice pour non-respect des règles de droit du travail que pour des dommages liés à vos produits.
Un droit du travail américain de plus en plus protecteur
Le contrat de travail aux États-Unis est généralement « at-will », donnant la possibilité de licencier sans justification. Cette caractéristique fait penser à certains que le droit social américain est peu protecteur. En réalité, les plaintes et actions en justice de salariés sont relativement fréquentes aux États-Unis. Pourquoi ?
Chaque année, en particulier depuis l’administration Obama, de nouvelles lois sociales sont adoptées aux niveaux fédéral, étatique, et local. Ces nouvelles lois touchent de nombreux domaines : nouveaux congés maladies obligatoires, protections liées au harcèlement sexuel, augmentations fréquentes des salaires minimums, nouvelles formes de discrimination…La liste des changements législatifs ne cesse de s’allonger. Voir par exemple notre article du mois de septembre 2019 sur l’ égalité salariale.
La vulnérabilité des filiales étrangères aux États-Unis
Ces nouvelles lois, et les nombreux niveaux de réglementations, complexifient la gestion des ressources humaines des entreprises américaines. Cela est encore plus compliqué pour une entreprise française ayant une filiale aux États-Unis, en particulier si une partie du management de la filiale est basé en France. Ou si le dirigeant de la filiale n’a jamais été amené à gérer de telles questions. Or ceci est fréquent. On constate en effet que les sociétés françaises confient souvent la direction de leur filiale étrangère à un commercial de talent ayant de l’expérience à l’international. Son parcours est parfaitement adapté au développement commercial mais ne l’a souvent pas préparé à la gestion des ressources humaines. Il est donc important pour les maisons mères de donner à leurs dirigeants locaux les moyens de gérer cette complexité, afin de minimiser les risques de litiges.
La nature du contentieux
La plupart du contentieux de droit du travail trouve son origine dans des accusations de :
(1) traitement discriminatoire ; et
(2) non-respect des règles relatives au temps de travail et salaire minimum.
Nous constatons que la majorité des dirigeants de filiales connaissent les principes de base des règles liées à la discrimination. En revanche, les règles relatives au temps de travail sont mal connues et peu respectées par les filiales de sociétés françaises. Pourquoi ?
Souvent, les recrues initiales de la filiale sont des cadres ou des commerciaux qui ne sont pas soumis à ces lois. Ces salariés représentent en fait une minorité de la masse salariale américaine. On les dit « exempt » en anglais, i.e. littéralement « dispensés » de l’application de ces lois.
La filiale américaine fonctionne ainsi pendant des années, en toute légalité, payant ces salariés « exempt » un salaire fixe, sans avoir à se soucier des règles liées au temps de travail.
Mais lorsque les activités se développent, il est fréquent que la filiale embauche d’autres salariés. Ces salariés occupent souvent des postes qui n’entrent plus dans l’une des 6 catégories d’employés « exempt » : responsables logistique, assistantes, responsables du service après-vente … Ces nouveaux postes soumettent la filiale à de nouvelles obligations telles que l’obligation du comptage des heures, l’obligation de paie bimensuelle des salaires et la paie des heures supplémentaires. Le seuil des heures supplémentaires est de 40 heures par semaine au niveau fédéral et dans la majorité des états. Il est de 8 heures par jour dans certains états et localités plus protectrices, comme en Californie par exemple.
Comment savoir si un salarié est soumis aux lois sur le temps de travail ?
Le test est double. Pour chaque poste, il faut vérifier que (1) la compensation et (2) les fonctions principales du salarié correspondent à l’une des 6 catégories.
Voici la liste et la description des 6 catégories de salariés « exempt » selon la loi fédérale : les 6 catégories de salariés "exempt"
Notez que les 6 catégories sont interprétées de façon étroite par les autorités. Par exemple, beaucoup de nos clients sont étonnés d’apprendre que leur assistante, qui remplit pourtant des tâche administratives, n’entre pas dans la catégorie « administrative exemption».
De même, un ingénieur informatique n’entre dans la catégorie de « Computer exemption » que s’il contribue au design du système informatique, et pas uniquement à sa maintenance.
Les enjeux
Le non-respect de ces règles peut être coûteux. Les salariés américains connaissent leurs droits et les font valoir. Jusqu’ici, en 2019, 322 millions de dollars ont déjà été collectés par l’agence fédérale « Wage and Hour Commission » au nom de salariés non-cadres. Leurs employeurs n’avaient pas respecté les lois sur le temps de travail et salaire minimum. Les chiffres sont disponibles ici. Ces chiffres ne comprennent pas les sommes collectées par les agences gouvernementales des 50 états.
Il faut aussi savoir que le non-respect de cette réglementation peut dans certains états engager la responsabilité personnelle des dirigeants. C’est le cas notamment à New York et dans l’Illinois.
Pourquoi les plaintes sont-elles si fréquentes ?
L’environnement social, juridique et administratif américain s’y prête bien.
Un environnement social propice aux plaintes salariales
Alors que le taux de chômage est faible aux États-Unis pour la majorité de la population, il ne l’est pas pour certaines minorités. En 2016 par exemple, le taux de chômage des américains noirs de la région de Chicago était de 14.6%, contre 4.1% pour les américains blancs: voir ici le taux de chômage par ethnicité . Or les travailleurs américains, s’ils sont certes de mieux en mieux protégées par la loi, bénéficient de très peu d’aides sociales en cas de chômage. Les indemnités de chômage sont limitées à quelques centaines de dollars par mois et ne durent que quelques semaines (26 semaines en moyenne). Dans un pays où le taux d’épargne des ménages est faible et le coût de la vie élevé, cette réalité incite les salariés à revendiquer leurs droits.
Un système judiciaire et administratif qui facilite les plaintes salariales
L’environnement juridique et administratif est propice aux plaintes salariales. Ceci est lié aux caractéristiques du système judiciaire américain qui le différencie du système français, notamment par :
Conclusions et Recommandations
Dans ce domaine, il est difficile pour les Français de se rendre compte du risque. En effet, leurs confrères entrepreneurs « coupables » concluent généralement des accords à l’amiable confidentiels et discrets en cas de litige. Mais les chiffres officiels des plaintes et le montant des sanctions sont là pour prouver que la réglementation est bien mise en œuvre.
Le dépôt d’une plainte peut déclencher non seulement une action en justice mais aussi un audit gouvernemental des pratiques salariales de la société. Les audits et actions en justice sont des distractions qui prennent du temps et coûtent cher. Elles peuvent être minimisées si la maison mère donne à ses dirigeants de filiales les moyens d’être au fait des ces questions et de faire évoluer l’organisation. Sur le plan pratique, les actions en justice peuvent être en partie minimisée si la filiale paie ses salariés non-cadres plus que le salaire minimum et surtout, ne les fait jamais travailler au-delà du seuil de déclenchement des heures supplémentaires.
Pansard & Associates
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Flash Droit Social (États-Unis)
TENDANCE: VAGUE DE LOIS SOCIALES NOUVELLES AUX ÉTATS-UNIS
Si vous avez une filiale aux États-Unis, votre talon d’Achille n’est peut-être pas là ou vous l’imaginez.
Beaucoup d’entrepreneurs étrangers qui distribuent leurs produits aux États-Unis se contentent de gérer les risques liés à la responsabilité des produits défectueux. Certes, ces risques existent et doivent être gérés. Ils peuvent notamment être minimisés grâce à un contrôle qualité rigoureux, des couvertures en assurance appropriées et des contrats bien négociés. Mais si vous créez une filiale et avez des salariés aux États-Unis, il est plus probable que vous soyez poursuivi en justice pour non-respect des règles de droit du travail que pour des dommages liés à vos produits.
Un droit du travail américain de plus en plus protecteur
Le contrat de travail aux États-Unis est généralement « at-will », donnant la possibilité de licencier sans justification. Cette caractéristique fait penser à certains que le droit social américain est peu protecteur. En réalité, les plaintes et actions en justice de salariés sont relativement fréquentes aux États-Unis. Pourquoi ?
Chaque année, en particulier depuis l’administration Obama, de nouvelles lois sociales sont adoptées aux niveaux fédéral, étatique, et local. Ces nouvelles lois touchent de nombreux domaines : nouveaux congés maladies obligatoires, protections liées au harcèlement sexuel, augmentations fréquentes des salaires minimums, nouvelles formes de discrimination…La liste des changements législatifs ne cesse de s’allonger. Voir par exemple notre article du mois de septembre 2019 sur l’ égalité salariale.
La vulnérabilité des filiales étrangères aux États-Unis
Ces nouvelles lois, et les nombreux niveaux de réglementations, complexifient la gestion des ressources humaines des entreprises américaines. Cela est encore plus compliqué pour une entreprise française ayant une filiale aux États-Unis, en particulier si une partie du management de la filiale est basé en France. Ou si le dirigeant de la filiale n’a jamais été amené à gérer de telles questions. Or ceci est fréquent. On constate en effet que les sociétés françaises confient souvent la direction de leur filiale étrangère à un commercial de talent ayant de l’expérience à l’international. Son parcours est parfaitement adapté au développement commercial mais ne l’a souvent pas préparé à la gestion des ressources humaines. Il est donc important pour les maisons mères de donner à leurs dirigeants locaux les moyens de gérer cette complexité, afin de minimiser les risques de litiges.
La nature du contentieux
La plupart du contentieux de droit du travail trouve son origine dans des accusations de :
(1) traitement discriminatoire ; et
(2) non-respect des règles relatives au temps de travail et salaire minimum.
Nous constatons que la majorité des dirigeants de filiales connaissent les principes de base des règles liées à la discrimination. En revanche, les règles relatives au temps de travail sont mal connues et peu respectées par les filiales de sociétés françaises. Pourquoi ?
Souvent, les recrues initiales de la filiale sont des cadres ou des commerciaux qui ne sont pas soumis à ces lois. Ces salariés représentent en fait une minorité de la masse salariale américaine. On les dit « exempt » en anglais, i.e. littéralement « dispensés » de l’application de ces lois.
La filiale américaine fonctionne ainsi pendant des années, en toute légalité, payant ces salariés « exempt » un salaire fixe, sans avoir à se soucier des règles liées au temps de travail.
Mais lorsque les activités se développent, il est fréquent que la filiale embauche d’autres salariés. Ces salariés occupent souvent des postes qui n’entrent plus dans l’une des 6 catégories d’employés « exempt » : responsables logistique, assistantes, responsables du service après-vente … Ces nouveaux postes soumettent la filiale à de nouvelles obligations telles que l’obligation du comptage des heures, l’obligation de paie bimensuelle des salaires et la paie des heures supplémentaires. Le seuil des heures supplémentaires est de 40 heures par semaine au niveau fédéral et dans la majorité des états. Il est de 8 heures par jour dans certains états et localités plus protectrices, comme en Californie par exemple.
Comment savoir si un salarié est soumis aux lois sur le temps de travail ?
Le test est double. Pour chaque poste, il faut vérifier que (1) la compensation et (2) les fonctions principales du salarié correspondent à l’une des 6 catégories.
Voici la liste et la description des 6 catégories de salariés « exempt » selon la loi fédérale : les 6 catégories de salariés "exempt"
Notez que les 6 catégories sont interprétées de façon étroite par les autorités. Par exemple, beaucoup de nos clients sont étonnés d’apprendre que leur assistante, qui remplit pourtant des tâche administratives, n’entre pas dans la catégorie « administrative exemption».
De même, un ingénieur informatique n’entre dans la catégorie de « Computer exemption » que s’il contribue au design du système informatique, et pas uniquement à sa maintenance.
Les enjeux
Le non-respect de ces règles peut être coûteux. Les salariés américains connaissent leurs droits et les font valoir. Jusqu’ici, en 2019, 322 millions de dollars ont déjà été collectés par l’agence fédérale « Wage and Hour Commission » au nom de salariés non-cadres. Leurs employeurs n’avaient pas respecté les lois sur le temps de travail et salaire minimum. Les chiffres sont disponibles ici. Ces chiffres ne comprennent pas les sommes collectées par les agences gouvernementales des 50 états.
Il faut aussi savoir que le non-respect de cette réglementation peut dans certains états engager la responsabilité personnelle des dirigeants. C’est le cas notamment à New York et dans l’Illinois.
Pourquoi les plaintes sont-elles si fréquentes ?
L’environnement social, juridique et administratif américain s’y prête bien.
Un environnement social propice aux plaintes salariales
Alors que le taux de chômage est faible aux États-Unis pour la majorité de la population, il ne l’est pas pour certaines minorités. En 2016 par exemple, le taux de chômage des américains noirs de la région de Chicago était de 14.6%, contre 4.1% pour les américains blancs: voir ici le taux de chômage par ethnicité . Or les travailleurs américains, s’ils sont certes de mieux en mieux protégées par la loi, bénéficient de très peu d’aides sociales en cas de chômage. Les indemnités de chômage sont limitées à quelques centaines de dollars par mois et ne durent que quelques semaines (26 semaines en moyenne). Dans un pays où le taux d’épargne des ménages est faible et le coût de la vie élevé, cette réalité incite les salariés à revendiquer leurs droits.
Un système judiciaire et administratif qui facilite les plaintes salariales
L’environnement juridique et administratif est propice aux plaintes salariales. Ceci est lié aux caractéristiques du système judiciaire américain qui le différencie du système français, notamment par :
- le recours très fréquent aux « success fees », qui permet aux salariés de se faire représenter gratuitement par un avocat ;
- le recours fréquent aux « class action », qui encourage les salariés à s’unir contre leur employeur même lorsque leur dommage individuel est relativement faible (souvent accompagnés par un avocat qui se fait payer sur la base d’un « success fee ») ;
- le recours aux jurys populaires, et la possibilité de se faire octroyer des dommages punitifs (contrairement à la France). Ceci augmente les montants potentiels des jugements et incite les salariés à déclencher des poursuites ;
- le fait que certaines plaintes administratives puissent être déposées par un salarié en ligne, sur le site internet des agences administratives, en quelques minutes, en répondant à quelques questions simples. Il suffit de passer 5 minutes sur le site internet de l’agence fédérale de lutte contre la discrimination pour s’en rendre compte : Déposer une plainte/Filing with EEOC
Conclusions et Recommandations
Dans ce domaine, il est difficile pour les Français de se rendre compte du risque. En effet, leurs confrères entrepreneurs « coupables » concluent généralement des accords à l’amiable confidentiels et discrets en cas de litige. Mais les chiffres officiels des plaintes et le montant des sanctions sont là pour prouver que la réglementation est bien mise en œuvre.
Le dépôt d’une plainte peut déclencher non seulement une action en justice mais aussi un audit gouvernemental des pratiques salariales de la société. Les audits et actions en justice sont des distractions qui prennent du temps et coûtent cher. Elles peuvent être minimisées si la maison mère donne à ses dirigeants de filiales les moyens d’être au fait des ces questions et de faire évoluer l’organisation. Sur le plan pratique, les actions en justice peuvent être en partie minimisée si la filiale paie ses salariés non-cadres plus que le salaire minimum et surtout, ne les fait jamais travailler au-delà du seuil de déclenchement des heures supplémentaires.
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